École des Cadres 1999... encore une Première !

On n’a pas compté, mais l’École des Cadres du CRB fonctionne avec une belle régularité depuis une vingtaine d’années. D’abord au Dojo personnel de Sensei Habersetzer, chez lui à Saint-Nabor, ensuite, lorsque la formule fut élargie, sur la ville de Strasbourg, puis en formule en immersion totale sur un week-end au centre des Genêts d’Or (Col du Bonhomme), enfin, après un nouveau retour sur Strasbourg, suivant une nouvelle formule inaugurée cette année dans les locaux du Foyer d’Amitié Internationale à Schirmeck-La Claquette, dans les Vosges. Le principe de ces rendez-vous réservés aux cadres, directeurs techniques des Dojo du CRB et leurs assistants, ainsi qu’aux ceintures noires voire marrons en fonction des places disponibles, est, dans l’esprit de Sensei Habersetzer, de réserver un temps pour se pencher en début de chaque nouvelle saison sur l’orientation et la méthodologie de l’enseignement dispensé au CRB, ceci dans un but de clarification et d’harmonisation dans l’esprit comme dans la méthode.

La session “Cadres” de septembre 1999 ne dérogea pas à la règle avec, cependant, un éclairage nouveau et supplémentaire, à vrai dire pas tout à fait inattendu pour les 70 participants . Elle s’articula en effet autour de deux temps forts.

- Le samedi après-midi fut entièrement consacré à la révision et à la correction minutieuse des Kata des candidats aux 1er et 2ème Dan, puis de ceux prévus pour les candidats au 3ème Dan. Les deux Experts, ainsi que Marc Wafflard et Wolfgang Lang, encadrèrent le Sensei pour le travail sur les Kata du Shotokan, tandis que Bernard Bomati prenait en charge les Kata du Wado-ryu. Soit trois heures de travail intense, approfondi, efficace. La soirée vit ensuite la tenue de l’Assemblée Générale ordinaire, avec la classique rubrique “bilan et perspectives” exposées par le Président, une communication qui fut approuvée à l’unanimité par l’assemblée (parmi ces perspectives figure une nouvelle venue, confirmée, pour octobre 2000 à Strasbourg, de Sensei Ohtsuka Tadahiko, un ami du CRB depuis l’origine puisque sa première rencontre avec R. Habersetzer, déjà à Strasbourg, date de ... 1973 !).

- L’autre temps fort de cette École des Cadres fut, dimanche matin, le thème “Karaté-do, une Voie évolutive : de Shin-Karatedo à Tengu-no-michi”. On savait bien que depuis ces dernières années Sensei Habersetzer travaillait passionnément sur une recherche neuve et originale consistant à intégrer la pratique et les concepts d’un Karaté classique et traditionnel dans des comportements d’efficacité nouveaux, venus de formes de combat modernes, avec ou sans armes. Il avait prévenu : il tenait désormais à définir tout à fait clairement sa nouvelle optique d’un art martial actuel et actualisé afin que soit bien compris, sans dérapage possible, jusqu’où allait son engagement technique et éthique. Sensei s’arrêta donc sur la définition de sa “Voie Tengu”, en partie déjà abordée lors des cadres 1998 (Cf. “Roninfos No 11, ainsi que le rappel “Tengu” dans ce numéro) et préparé par son texte de 1997 intitulé “Main vide pour un tranchant guerrier : réflexions pour un retour à la dimension guerrière de l’art traditionnel du Karatedo” (en partie publié dans une presse pourtant “spécialisée” dans les arts martiaux mais qui fut diversement apprécié en raison d’une mauvaise interprétation possible du propos dans le cadre d’une pratique simplement sportive). Mais estimant que, depuis, son idée avait fait du chemin, et qu’il avait réussi à la faire mieux comprendre à travers de nouveaux types d’entraînements en Karaté, sur un fond restant cependant très classique (ce qui avait fini par rassurer les plus inquiets ...), Sensei Habersetzer avait décidé de frapper un grand coup, définitivement ... S’appuyant sur un document d’une vingtaine de pages, distribué à chaque présent, intitulé “Tengu-no-michi : apprendre à pratiquer et à expliquer notre différence”, il expliqua la théorie de son concept et en illustra les premières étapes pratiques, notamment à travers les différences entre une “position d’engagement” (défensive) et une “position de contact” (offensive), les deux ne se concevant, toujours, que dans un contexte de nécessité absolue de protection (ces positions étant des points forts de son concept de “Techniques Intégrées de Défense Personnelle”). Interpelés, peut-être, pour certains, quelque peu choqués par l’illustration donnée, à l’aide d’armes comme le Tonfa de police, par le Sensei d’un concept si différent d’un Karaté classique étudié conventionnellement au Dojo, et qui a de ce fait presque tout perdu de son aspect réellement martial, les stagiaires finirent rassurés par l’orientation de leur Sensei qui reste bien entendu fondamentalement la même sur le plan de l’éthique et du contrôle du mental sur la technique. Désormais, on le comprit, certains exercices au Dojo, notamment au cours des stages, seront de réels exercices de simulation dans un environnement et sous un effet de stress plus réalistes. On reviendra donc souvent à la “Voie Tengu”, du moins dans le discours adressé aux ceintures noires, même si pas systématiquement. Le Sensei se dit bien conscient de la nouveauté de cette orientation et de l’inquiétude qui peut résulter de toute nouveauté au stade de la première découverte. Il souligna donc pour conclure auprès de ses Cadres l’absolue nécessité d’un discours prudent , raisonnable et circonstancié, auprès des seuls élèves qu’ils jugeront capables de comprendre l’enjeu de la démarche, et volontaires pour un retour à des sources réellement martiales. On fut bien entendu loin de l’optique classique des Budo-sport, Budo-show, Budo-business actuels, qui occupe si bien l’esprit et l’énergie des pratiquants dans des directions fausses mais si arrangeantes pour tout le monde. Les propos du Sensei furent, à son habitude, directs, honnêtes, “bruts de décoffrage”... Ils avaient la force de la conviction : celle qu’une telle option doit absolument survivre face à une violence multiforme qui ne cesse de croître dans nos sociétés. Nous avons assisté au cours de ces journées “Cadres” à l’ouverture d’un champ d’investigation tout neuf que Sensei Habersetzer a commencé à défricher sous nos yeux. L’avenir dira que nous avons assisté au début d’un travail pionnier, une fois de plus ...